Pourtant, près de la moitié des dirigeants en situation de reprise d’entreprise n’ont pas de plan de transmission, d’après Bpifrance Le Lab. Quel risque de voir s’évanouir l’impact d’une entreprise qu’ils ont construit parfois pendant des générations ! Dans le monde incertain que nous vivons, pouvons-nous nous permettre de perdre nos capacités d’agir positivement sur la société française ? La réponse est simple : non. Comment alors donner envie à plus de dirigeants d’entreprises familiales de préparer au plus vite leur plan de transmission ?
La solution que nous vous proposons dans cet article est de revenir à l’envie d’impact qui guide tout dirigeant d’entreprise. L’impact, l’envie d’agir : au-delà des trajectoires financières et des perspectives de carrière, voici les boussoles qui donnent envie au dirigeant de céder et au repreneur de pérenniser l’aventure. A une condition : celle de penser la transmission d’entreprise différemment.
DANS UN MONDE INCERTAIN, IL FAUT PENSER LA TRANSMISSION D’ENTREPRISE
DIFFÉREMMENT
Depuis 5 ans, les Français font face à un environnement incertain. Les menaces externes sont multiples et soudaines : revendications sociales, contexte géopolitique explosif, urgence climatique, nouvelles normes et réglementations (RGPD, CSRD)… L’État providence est, de son côté, mis à mal avec l’annonce en mars 2024 d’un déficit public attendu à 5,5%. Surtout, les crises s’accélèrent avec la nécessité de s’adapter et de penser les stratégies différemment : ouverture des comités de Direction à une nouvelle diversité de compétences, intégration de l’IA aux process de production, défense contre les risques cyber… Les stratégies des entreprises prennent un nouveau tournant.
Parallèlement, les sociétés à mission ou labellisées (B-Corp, ISO 26000) multiplient les actions : soutien à la formation et/ou création d’école de formation, contribution volontaire au financement d’infrastructures, soutien à des associations… De manière générale, dans une récente étude de Bpifrance Le Lab et du FBN, les entreprises familiales et non familiales indiquent pour plus de 80% que la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) est une évidence ou un axe différenciant. Le rôle des entreprises dans la société française n’a jamais été aussi évident ; réussir la transmission de son entreprise, c’est perpétuer son impact au service des Français.
DONNER ENVIE DE REPRENDRE LE FLAMBEAU EN VALORISANT L’IMPACT DE L’ENTREPRISE
Notre conviction : une transmission d’entreprise réussie dans un monde qui s’accélère est un projet dans lequel le repreneur peut au plus vite construire un projet qui a du sens pour lui. Pour l’y aider, ouvrez-lui le champ des possibles en lui transmettant l’impact et la capacité d’agir que votre entreprise a sur la société. Charge à lui d’adapter la stratégie de l’entreprise pour conserver cet impact positif.
L’impact de votre entreprise peut être :
- Économique : sur votre territoire, autour de votre usine ou vos bureaux, vous avez créé de la valeur ajoutée, des emplois directs (vos employés), indirects (chez vos fournisseurs) et soutenus par la présence de votre entreprise des dizaines d’acteurs économiques tels que des commerces (boulangers, primeurs, …).
- Environnemental : par vos efforts de production en France, vous avez privilégié un mode de production bas carbone plus vertueux (entre une centrale à charbon chinoise ou allemande ou une centrale hydroélectrique française, le match est vite plié) et vous continuez de réduire la consommation d’électricité, de gaz, d’eau … pour mieux la partager avec les autres usages du territoire (et aussi baisser votre facture).
- Notoire : par la production de vos produits ou services, vous avez rendu fier vos équipes et fait connaître un bout de la France en-dehors de nos frontières.
- Local : par votre contribution aux groupes de travail de l’agglomération, à ceux de Territoire d’Industrie, vous avez permis de faire avancer des projets utiles à tous (école de production, infrastructure partagée comme un réseau de chaleur, journées portes ouvertes avec les collèges et lycées pour donner envie aux jeunes, réfection d’un bout de route, …), par votre soutien sans faille à un de vos employés qui traverse une mauvaise passe (maladie ou décès d’un proche, …), par le sponsoring à des œuvres caritatives, vous permettez à des vrais gens d’avancer.
- Républicain : par vos efforts pour appeler vos salariés à aller voter aux élections locales, nationales et européennes. L’exemple du fondateur allemand de l’entreprise familiale de métallurgie Rheinhold Würth, 88 ans, est exemplaire. Face à la montée de l’extrême droite, il a adressé un email à ses 25000 salariés allemands pour dire à ceux qui voudraient voter pour l’AfD pour protester contre le gouvernement “qu’ils font courir un risque au pays de voir naître une démocrature, voire une dictature”. 1
Sans oublier la mission même de l’entreprise. Par la production de vos produits ou services, vous permettez aux Français de manger, de s’éclairer, d’aller au travail … Par exemple, Bellot Minoteries contribue à alimenter en farine une large partie des boulangeries de l’Ouest de la France depuis 16 générations.
De même, la S.N.I.E. conçoit et équipe depuis 58 ans les installations électriques courants forts et courants faibles des logements, bureaux (etc) d’Ile de France avec une stratégie RSE exemplaire (selon la norme AFNOR ISO 26000).
1 Challenges n°823 – 28 mars 2024, page 40
ENFIN, AVOIR DE NOUVELLES ATTENTES VIS-À-VIS DES NOUVELLES GÉNÉRATIONS
Pour finir, placez l’impact de l’entreprise comme un élément essentiel de vos échanges avec votre successeur.
Dans la littérature spécialisée, la nouvelle génération semble à tort disposer de toutes les vertus : connaissance des nouveaux business models, expertise sur la digitalisation, capacité d’accélérer la croissance, connaître personnellement tous les acteurs du financement… C’est aller un peu vite en besogne ; il est alors facile de se méprendre sur les attentes vis-à-vis de vos repreneurs.
Plutôt que de vous concentrer sur leurs compétences, revenez avant tout à votre parcours. Interrogez-vous sur l’impact que l’entreprise a eu et a sur le monde ou sur ses territoires d’implantation. En faisant cet exercice, reconnectez-vous au projet que vous aviez 20 ou 30 ans auparavant. Quelles compétences avez-vous mobilisées, pour faire face à quelles réalités ? Valorisez vos actions, sans fausse modestie ; soyez fier du chemin parcouru. Une transmission réussie, cela part de vous.
En deuxième lieu, formalisez votre impact main dans la main avec vos repreneurs, pour leur permettre de comprendre les grands choix stratégiques que vous avez pris.
En troisième lieu, demandez-leur ce que signifie pour eux, dans les prochaines années, que d’avoir une capacité d’agir sur le monde. Dites-leur clairement que votre attente n’est pas de faire aussi bien que vous, mais de conserver les valeurs et l’impact de l’entreprise pour la société.
En tant que dirigeant légitime et historique de l’entreprise, vos attentes sont déterminantes. On sous-estime parfois le poids de sa propre parole ! En demandant à votre successeur d’avoir un impact social, économique ou environnemental sur le monde, vous lui ouvrez tout l’univers des possibles.
Co-fondateur de Compagnum
Signature :
François Verrecchia, est le co-fondateur de Compagnum, un cabinet de conseil et d’études qui travaille la pérennité des entreprises en faisant levier sur le potentiel offert par le territoire et sur la gouvernance d’entreprise. Il est également 3eme génération d’une foncière immobilière engagée pour valoriser les cœurs de ville en privilégiant les entreprises du Made in France.
