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Financer la transmission de son entreprise : ce que tout entrepreneur devrait savoir

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Mauvais élève européen, la France est le Pays qui taxe le plus fortement les transmissions d’entreprises familiales. Ajoutant au poids humain d’une transmission subie, le barème de l’article 777 du Code Général des Impôts (CGI) taxe à un taux marginal de 45% les transmissions d’entreprises dont l’assiette dépasse 1,8 millions d’euros par bénéficiaire. Si certains se félicitent de cette redistribution de richesse, la France fait fi de l’illiquidité des actifs objets de telles transmissions et méconnaît l’importance des entreprises familiales dans le tissu économique français.

La question est d’importance, elle va concerner au cours de la prochaine décennie la moitié des sociétés familiales dont le départ à la retraite des dirigeants approche.

Quelles sont donc les stratégies permettant d’alléger cette charge fiscale ? Démembrement de propriété, pacte Dutreil et donation-partage transgénérationnelle… Décryptage.

1 L’impôt sur les successions dans les pays de l’OCDE, OCDE 2021.
21 dirigeant de PME et d’ETI familiale sur 4 a plus de 60 ans.

 

FISCALITÉ ET COÛT DE LA TRANSMISSION D’ENTREPRISE FAMILIALE

Le taux de 45% cité ci-dessus doit être tempéré : son application est limitée à des cas de transmissions exceptionnellement tragiques, le décès accidentel d’un chef d’entreprise à qui les statistiques promettaient de longues années d’anticipation successorale.

cession savetier

CAS DE CESSION DU SAVETIER

C’est l’exemple du Savetier devenu financier dont la fable nous a été brillamment racontée par feu Rémy GENTILHOMME3.
À la tête d’une entreprise de 20 millions d’euros, le défaut d’anticipation de la transmission aura coûté à ses deux enfants, contraints à la cession, un impôt de 8,4 millions d’euros soit un taux d’imposition de 42%.
Nous tenterons ensemble d’en réécrire l’histoire.

3La mort du Savetier devenu financier par Rémy GENTILHOMME, DEFRENOIS 15 octobre 2012.

ANTICIPER POUR ALLÉGER LA TAXATION

La fiscalité française incite à l’anticipation qui permettra de passer d’un taux confiscatoire de 45% à une taxation réduite à un taux marginal de 5,62% voire 2,5%.

Stratégies fiscales pour alléger le coût de la transmission d’une entreprise familiale

Il existe 3 outils avantageux pour alléger le poids de la fiscalité d’une transmission d’entreprise familiale.

Outil #1

LE DÉMEMBREMENT DE PROPRIÉTÉ

Sous l’influence du droit romain, le code civil distingue, au sein de la propriété d’un bien, trois prérogatives pouvant être exercées par des personnes différentes :

  • L’usus, correspondant au droit d’user du bien ;
  • Le fructus, ou droit d’en tirer les fruits ;
  • Et l’abusus ou droit d’en disposer.

La séparation de ces prérogatives entre usufruit (USUS + fructus) et nue-propriété (abusus) permet d’anticiper la transmission de son patrimoine en en conservant, de son vivant, l’usage et la perception des fruits.

Fiscalement, l’article 669 du CGI, applicable aux transmissions à titre gratuit, détermine la valeur de chaque droit en fonction de l’âge de l’usufruitier.

Ainsi, un donateur qui transmet, avant son 61ème anniversaire, la nue-propriété de titres sociaux, verrait la valeur de celle-ci fixée à 50% de la valeur de la pleine propriété en raison du différé de jouissance subi par les donataires.

L’intérêt fiscal réside alors dans la combinaison de ce barème avec l’article 1133 du CGI prévoyant l’absence d’imposition de la « réunion » de l’usufruit à la nue-propriété lorsqu’elle résulte de l’expiration du temps fixé pour l’usufruit ou du décès de l’usufruitier.

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Bien conseillé, notre savetier aura cette fois anticipé la transmission de son entreprise par une donation avec réserve d’usufruit consentie peu de temps avant son 61ème anniversaire.

L’assiette taxable aura été réduite de moitié et l’impôt (du fait de la progressivité du barème de l’article 779 du CGI) sera passé de 8,4 millions d’euros à 3,9 millions euros soit un taux de taxation de 19,5% !

Outil #2

LE PACTE DUTREIL

Conscient de l’utilité des entreprises familiales françaises alors fréquemment vendues à l’étranger, le législateur, a en 2003, sous l’impulsion de Monsieur Renaud Dutreil, secrétaire d’Etat aux PME, mis en place un dispositif visant à en encourager les transmissions.
Ce dispositif Dutreil permet, sous réserve de respecter certaines conditions, de bénéficier d’une réduction d’assiette taxable de 75% et d’une réduction d’impôt de 50% dans l’hypothèse de donations consenties en pleine propriété par un donateur âgé de moins de 70 ans.

LES CONDITIONS CONCERNENT NOTAMMENT :

L’objet de la transmission familiale :
qui doit porter sur une entreprise exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
À l’exclusion donc des activités de gestion de son propre patrimoine immobilier ou financier.
L’objet de la transmission familiale :
le dispositif Dutreil impose à des associés détenant 17% des droits financiers et 34% des droits de vote (ou 10% des droits financiers et 20% des droits de vote s’agissant des sociétés cotées) à s’engager à conserver collectivement leurs titres pendant une durée minimale de 2 ans.
La conservation individuelle des titres par les donataires
qui devront s’engager à conserver les titres reçus pendant une durée de 4 ans courant à l’expiration de l’engagement collectif.
La pérennisation de la gouvernance du groupe
par l’exercice d’une fonction de direction par l’un des signataires de l’engagement collectif ou l’un des donataires selon le schéma de transmission familiale adopté.

4Article 787 B du CGI et BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 §15 et suivants

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Exerçant une activité artisanale, l’entreprise de notre savetier est éligible au bénéfice du dispositif Dutreil. Sous réserve du respect des conditions ci-avant listées, notre savetier bénéficiera pour sa donation d’une réduction d’assiette taxable de 75% s’ajoutant à celle liée au démembrement de propriété.

Le coût de la transmission s’établira alors à 625.000 euros soit un taux de taxation de 3,12%.

Outil #3

LA DONATION-PARTAGE TRANSGÉNÉRATIONNELLE

Consacrée par la loi TEPA du 23 juin 2006, ce dispositif favorisant la transmission à des petits-enfants a vu son régime fiscal défini en 2011.

Si elle permet d’écrire l’histoire d’une transmission non anticipée en autorisant une transmission directe à des petits-enfants, la donation-partage transgénérationnelle permet également de la réécrire afin de transmettre une entreprise à des petits-enfants des actifs originellement donnés à leur parent.

Elle suppose de réunir dans le bureau du Notaire trois générations de membres de la famille :

  • Les grands parents, donateurs d’origine, membres de la génération 1 (G1)
  • Les parents, donataires d’origine, membres de la génération 2 (G2)
  • Les enfants, nouveaux donataires, membres de la généation 3 (G3)

Et de justifier de l’origine de propriété des titres comme provenant d’une donation antérieurement consentie par G1 à G2.

Le régime fiscal de cette réécriture prévu à l’article 777 A du CGI dépend de l’antériorité de la donation d’origine :

  • Si elle a plus de 15 ans : la redistribution sera taxée au droit de partage de 2.5% ;
  • Si elle a moins de 15 ans elle sera taxée aux droits de donation entre G1 et G3 avant imputation de l’impôt payé lors de la transmission de G1 à G2.
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Les titres de la société détenus par notre savetier (G2) provenant d’une donation qui lui a été consentie par sa mère (G1) 11 ans avant notre rencontre et cette dernière étant encore en vie, la famille inscrira la transmission à la G3 dans un contexte transgénérationnel.
Sur les droits de donation, calculés entre G1 et G3, après rétention de l’usufruit de G2 et application du dispositif Dutreil (680.000 euros), nous imputerons les droits payés 11 ans auparavant, à raison de la nue-propriété transmise aux G3, pour un montant de 420.000 euros (la société, donnée par Madame seule en pleine propriété, valait alors 10 millions d’euros).

Le coût de la transmission sera alors de 260.000 euros contre les 8.9 millions d’euros en l’absence d’anticipation soit une économie de 8.640.000 euros.

La prime fiscale est donc donnée à ceux qui anticipent la transmission de leur entreprise !

Comment financer le coût d’une transmission familiale d’entreprise ?

Si le coût de la transmission à opérer par notre chef d’entreprise a été considérablement réduit, la question de son financement reste intacte.
Le patrimoine des chefs d’entreprises est en effet essentiellement constitué de leur outil de travail et rares sont ceux à disposer de liquidités suffisantes pour financer le coût de la transmission, fût-il réduit à un taux de 2.5%.

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Par Virginie BLOAS,
Notaire à RENNES, pour For Talents

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