Transmission d’entreprise familiale : 5 piliers pour une gouvernance familiale efficace

Dans l’imaginaire collectif, la transmission d’une entreprise familiale repose sur un duo : un cédant, souvent le patriarche, et un repreneur issu de la nouvelle génération. En réalité, la réussite de ce passage s’enracine dans la dynamique familiale globale, dans l’alignement de ses membres autour d’un projet d’actionnariat commun.

Voici les cinq piliers essentiels pour structurer cette gouvernance familiale :

1. Forger une identité commune et un sentiment d’appartenance fort

La pérennité de l’entreprise familiale repose sur un fort sentiment d’appartenance. Ce lien identitaire se construit par des pratiques communes, des valeurs partagées et un récit commun (et/ou mythe fondateur).

Ce sentiment d’être partie d’une communauté familiale ayant une « identité » exclusive est essentiel. Elle passe bien sûr d’abord par des comportements et habitudes familiales, mais aussi, lorsque la famille est élargie, par des marqueurs communs « organisés ». On parlera d’animation de l’affectio familiae. Autrement dit, chaque membre doit se sentir partie prenante d’un collectif porteur d’un projet de sens commun (direction et finalité).

La transmission devient alors un acte fondamental de l’identité collective. Transmettre ne consiste pas uniquement à céder des actifs ou des fonctions, mais à transmettre un héritage vivant, porteur de mémoire, de valeurs et de sens.

Le transmetteur confie un socle identitaire commun aux générations futures. Faite de mémoire familiale, de récits, de traditions ou d’expériences partagées, l’identité commune crée les conditions pour « être et faire ensemble ».

Elle renforce pour la nouvelle génération la conscience d’être responsables de la lignée, d’être des passeurs intergénérationnels.

En cela, la transmission devient un lien vivant entre passé, présent et avenir, qui permet à chacun de s’inscrire en continuité, et donne la motivation aux membres de la famille de préserver et faire évoluer cet héritage reçu.

Pour renforcer ce sentiment collectif :

• Partager et transmettre l’histoire commune ; encourager l’intergénérationnel

• Formaliser et utiliser l’identité collective

• Mettre en place un parcours d’intégration ou un temps d’accueil

• Organiser des occasions régulières de rencontre (collectivement et par groupes – âge, typologie, etc.)

• Proposer des temps de découverte de l’entreprise

2. Renforcer la connaissance mutuelle et la proximité

Une gouvernance familiale repose sur la qualité des relations. Comprendre les dynamiques individuelles et collectives favorise la cohésion et améliore la prise de décision.

Permettre aux uns et aux autres de se connaître en multipliant les occasions de rencontres et de contacts augmente les connexions interpersonnelles. Ces « vécus » partagés créent les conditions pour nourrir la confiance et l’amour réciproque : « On aime que ceux que l’on connaît. »

Dans les moments de passage de flambeau, cette connaissance réciproque est essentielle, notamment entre générations. Pour que le passage soit harmonieux, il est important que les ainés comprennent les aspirations et les capacités des plus jeunes, tout comme ces derniers doivent être en mesure d’appréhender les valeurs, les choix et motivations des transmetteurs (voire fondateurs).

Cette connaissance mutuelle se construit dans le dialogue, l’implication progressive, le partage d’expérience et la transmission des savoirs. Elle permet de dépasser les malentendus, de créer un climat de proximité et de confiance.

Elle fait de la transmission non plus un simple « transfert unilatéral » mais un vrai processus coopératif impliquant chacun

Pour favoriser ces liens :

• Organiser des temps familiaux de rencontre pour permettre la connaissance mutuelle

• Mettre en place des outils de communication et de lien (annuaires, livret)

• Transmettre des informations régulières sur la vie de l’entreprise et l’actionnariat

• Organiser des rencontres avec les représentants des actionnaires et les dirigeants

• Proposer des visites d’entreprise, de site ou des stages en entreprise

3. Développer les compétences des membres de la famille

Pour assurer la continuité, il est essentiel de préparer les membres souhaitant jouer un rôle actif. Au-delà des compétences techniques, la préparation du futur requiert des compétences relationnelles, éthiques et managériales alignées avec les valeurs familiales.

Permettre aux membres de la famille d’acquérir ces compétences, c’est leur permettre de mieux comprendre leur rôle, et de mieux comprendre les enjeux et donc les décisions prises ou à prendre.

Acquérir certaines de ces compétences demande du temps. L’apprentissage ne peut être que progressif, par l’attribution de rôles croissants au sein de l’entreprise ou du patrimoine, et par la prise de conscience des enjeux réels de la gestion.

« La flamme de l’expérience n’éclaire que celui qui s’est brûlé avec… »

Cette montée en compétence permet aux nouvelles générations de prendre la relève avec assurance, tout en intégrant leur propre vision et leurs talents. La formation et l’exposition au réel devient un outil de légitimation et un gage de continuité.

Les bonnes pratiques :

• Connaître le profil des actionnaires familiaux (formation, parcours, compétences, projets…) via des entretiens

• Structurer et animer la formation des actionnaires (en l’actualisant sur les enjeux majeurs)

• Structurer, proposer et susciter l’implication des familiaux

• Identifier les hommes clés de l’entreprise / de la gouvernance, y compris via un organigramme de remplacement

• Challenger et suivre l’attractivité de l’entreprise

4. Structurer une gouvernance claire et participative

Une gouvernance efficace repose sur des règles claires et des instances adaptées, assurant une prise de décision transparente et participative. Ce travail qui doit évoluer en fonction de la maturité, de la taille et des enjeux de chaque structure familiale, doit garantir aux actionnaires familiaux une bonne représentation ainsi qu’une clarté des modes de décisions en vigueur.

La gouvernance est sans doute l’un des points clé d’une transmission réussie. En précisant et clarifiant les rôles et les instances, la structuration de la gouvernance doit permettre de prévenir les tensions et garantir une représentation équilibrée des membres de la famille.

Mettre en place des règles de fonctionnement, des espaces de dialogues (conseil de famille, comité stratégique…) permet de clarifier les responsabilités et d’assurer le constant alignement sur le projet commun.

ll ne s’agit pas seulement de transférer une fonction de direction, mais de penser la gouvernance de manière inclusive, transparente et évolutive. La gouvernance bien pensée doit favoriser la prise de décision collective et la reconnaissance des apports de toutes les parties prenantes.

Une gouvernance structurée prépare les nouvelles générations à assumer leurs responsabilités avec sérénité, elle sécurise tout autant le capital que la qualité du dialogue avec les dirigeants pour s’aligner sur une vision clairement définie.

Les actions clés :

• Organiser la bonne représentation des actionnaires dans la gouvernance

• Clarifier la répartition des rôles et des responsabilités

• Établir les règles et principes de gouvernance (instances, fréquence, mission…)

• Adapter la composition du board aux enjeux et valider la diversité ainsi que la complémentarité des profils

• Évaluer régulièrement la gouvernance de manière indépendante

5. Partager une vision commune et porteuse de sens

Le sens collectif repose à la fois sur les racines et sur une ambition partagée pour le futur.

C’est sur ce projet commun, cette vision claire et inspirante que l’engagement des actionnaires familiaux repose. Chaque membre doit comprendre et adhérer aux valeurs et à la mission du projet familial, et par extension, du projet de la ou les entreprises.

Dans cet alignement de temps, Passé – Présent – Futur, la transmission est avant tout un acte porteur de Sens. Elle incarne une vision du monde, un projet de vie, une espérance en l’avenir.

Transmettre, c’est croire que l’histoire familiale mérite d’être prolongée, adaptée et enrichie.

Les valeurs transmises ; souvent par l’exemplarité et les récits de vie, sont les balises qui guident les décisions et les comportements futurs. Elles donnent de la profondeur à l’action entrepreneuriale ou patrimoniale en la reliant à une finalité plus large, une « raison d’être » partagée.

Cette vision partagée permet d’entretenir la motivation et la cohérence entre les générations.

La transmission n’est plus un fardeau, mais un cadeau ; une opportunité de croissance et de sens renouvelé.

Pour incarner ce sens :

Définir, partager et faire connaître les racines (histoires, valeurs) et la raison d’être

Assurer une vigilance réelle sur l’alignement entre les principes et les actes (fierté / confiance)

Établir et partager la vision long terme de la famille actionnaire

Définir et valider la vision long terme du métier

Définir et valider la stratégie de mise en œuvre de la vision à un horizon de 3 à 5 ans par le Conseil

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Conclusion

La gouvernance familiale est un processus évolutif. Pour assurer la continuité du projet entrepreneurial et patrimonial, il est essentiel de travailler sur ces cinq piliers :

1. Une identité collective forte → Appartenance

2. Une connaissance mutuelle approfondie → Connaissance

3. Des compétences alignées avec les enjeux → Compétences

4. Une gouvernance structurée → Gouvernance

5. Une vision partagée → Sens

Chaque famille est unique et doit adapter ces principes à sa réalité.

En s’inscrivant dans cette dynamique, elle assure la transmission non seulement de ses actifs, mais aussi de son âme et de son histoire.

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Guillaume Lavigne – STRATAO
Family Partner, Gouvernance & Stratégie | Spécialiste des Entreprises Familiales

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Mini-biographie

Depuis près de 30 ans, Guillaume Lavigne accompagne les entreprises familiales et les familles actionnaires dans la construction de leur projet collectif, la structuration de leur gouvernance et l’animation de leurs dynamiques humaines. Fort d’un parcours qui conjugue conseil stratégique, engagement opérationnel au sein d’une des plus grandes familles entrepreneuriales françaises (AFM – Mulliez), et accompagnement de dirigeants, il fonde STRATAO en 2016 pour mettre cette expertise au service de celles et ceux qui veulent conjuguer pérennité, sens et engagement.

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